Aujourd’hui, je voudrais m’attaquer à un monument des arts divinatoires et du tao : le I Ching, parfois appelé Yi King, le « Livre des changements ». Ce livre, plus connu en France sous forme de deck oracle de cartomancie, est en fait un ouvrage dont l’histoire remonte à l’âge de Bronze ou, pour reprendre la chronologie de sa Chine natale, de la dynastie chinoise des Shang, soit il y a plus de 3 000 ans.
Le I Ching, malgré un âge vénérable, se glisse dans des œuvres résolument modernes de façon plus ou moins explicites comme dans Le Maître du Haut Château (The Man in the High Castle) de Philip K. Dick, actuellement adapté sur Prime Vidéo, voire, en poussant un peu l’analyse, dans Le Festin Nu (The Naked Lunch) de William Burroughs ainsi que de nombreux decks dérivés utilisés aujourd’hui. C’est parce qu’ayant guidé et/ou fasciné shamans, scribes, rois, reines, personnes de pouvoir, intellectuels et auteurs de l’âge de bronze à notre ère qu’il me semblait vital d’aborder l’histoire de ce livre et son fonctionnement aujourd’hui.
Tout d’abord, je voudrais me dédouaner : comme nous n’avons malheureusement pas de traduction extensive du I Ching en français et que ce dernier peut s’avérer assez opaque, je trouve qu’une approche par la cartomancie est une bonne idée. Si vous ne parlez que le français et voulez avoir un aperçu de la sagesse de ce que les habitués appellent parfois Le Livre, je vous conseille de vous procurer un jeu de cartes oracles en français et de composer les hexagrammes de manière traditionnelle ! Il existe aussi une traduction simplifiée qui vous fera une très bonne introduction à la sagesse du I Ching dans le livre : Yi King: Le livre des changements de Peter Crisp, que vous pouvez trouver en ligne ou commander en librairie.
Ma relation au I Ching
Personnellement, je suis tombée sur le I Ching pendant ma dernière année de lycée (ou ma première année de fac ?) en lisant The Man in the High Castle de Philip K. Dick suite à la recommandation d’une amie. Voir le personnage principal se référer à ce livre avant toutes ses décisions importantes, toujours une pièce et son Livre avec lui, m’avait fort intriguée. Lorsque j’ai commencé la divination avec le Tarot Rider Waite et le Lenormand, la figure du I Ching m’est revenue à l’esprit, et j’ai ressenti un besoin profond de me confronter à cet ouvrage historique. Heureusement pour moi, Penguin Books venait de sortir une version remise à jour, très belle, très fournie en commentaires explicatifs et de traduction par John Minford (2015), pour seulement 20e (je dis « seulement » car nous parlons d’un livre grand format d’environ 700 pages avec imitation feuillets).
A l’époque, cela correspondait à mon budget loisir pour le mois, mais je pensais que le I Ching les valait et je ne m’étais pas trompée – c’était en 2016 et il me suit toujours aujourd’hui. J’aime son langage qui me donne l’impression d’entrer dans la sagesse d’un autre temps, le rituel des pièces – comme nous le verrons, cela peut aussi se faire avec des bâtons – son ton solennel et les notes de traduction semblant décrypter pour moi un texte interdit, obscur, ayant donné des siècles de discussions et de débats que j’observais comme en regardant de manière furtive à travers une porte entrebâillée.
Certes, cela est aussi le cas avec le tarot et le Lenormand, mais cela est nettement moins palpable en se référant à des sources modernes, qui oublient par exemples les références kabbalistiques présentes toute au long des illustrations du Rider Waite.
De pratiques divinatoires, à l’oracle, au « livre des sagesses ».

Les origines anciennes du I Ching en Chine
La Chine est riche de pratiques divinatoires, les premières datant d’avant l’âge de bronze et qui continuent jusqu’à aujourd’hui, comme la lecture d’os ou de carapaces de tortues. C’est là que le I-Ching puise ses racines; si la pratique est de nos jours peu connue et relève plutôt du folklore, ces os étaient usés avant d’être enterrés. Les questions fréquentes relevaient des sacrifices, des guerres, des pluie. Aujourd’hui, quand ces os sont retrouvés, ils sont principalement utilisés dans la médecine chinoise .
Quand les Zhong ont conquis les Shang, ils ont décidé de « séculariser » la pratique de la divination et d’en faire quelque-chose de plus « civilisé » : c’est alors qu’est apparue la divination usant de bouts de bois, pratique qui est encore à ce jour utilisée par certains lecteurs pour lire le I Ching. A partir de là, des nombres sont attribués aux bâtons et voit arriver la naissance des hexagrammes qui composent le I Ching dans des circonstances floues. Ces hexagrammes étaient au nombre de 66, composés de lignes « interrompues » ou « ininterrompues », comme le I Ching.
Finalement, un des oracles dérivés aurait pris le nom de Zhouyi, ou Changement des Zhou, ce qui n’est encore pas une fois sans rappeler le livre. A partir de là, et avec la stabilisation de la langue chinoise, naîtra le I Ching en tant que tel, centre de l’idéologie Confucéenne, bouddhiste et taoïste.
Le I Ching en lui même : lecture des hexagrammes et d’une version intégrale de l’ouvrage.
Bien que les hexagrammes et les différentes couches de jugement puissent paraître difficile à lire et interpréter au premier abord, la pratique et les notes de traduction de l’édition de John Minford chez Penguin Books permettent d’aborder la lecture divinatoire sans trop de difficultés.
Premièrement, le langage est obscur : cependant, comme dans toute pratique divinatoire, chaque outil à son langage propre qu’il faut s’approprier. Il en va de même avec I Ching dont les formulations d’une autre époque s’apprivoisent doucement au fur et à mesure qu’il est consulté. La lecture est faite de différentes couches, ajoutées au fil des siècles et des auteurs, auxquelles s’ajoutent les notes de traduction. Si vous débutez, vous pouvez sauter les précisions sur les positionnement des yin et des yangs lors de vos premiers tirages pour faciliter l’entrer dans l’œuvre.
Si c’est l’hexagramme qui a parfois tendance à faire peur aux débutants, si vous possédez une traduction intégrale comme celle de Penguin (indisponible en France à ma connaissance), c’est les jugements et sa formulation poétique/obscure qui vous posera le plus de difficultés. Néanmoins, si vous possédez un jeu de cartes oracles reprenant le I Ching avec un livret, l’hexagramme sera pour vous la partie la plus étrange , de par son caractère inédit en Europe. Dans tous les cas, ‘hexagramme mérite que l’on s’y penche, avant d’apprendre à constituer le sien dans un but divinatoire.
Comme vu sur les photos, l’hexagramme se lit en deux parties égales : composé de six lignes, on étudiera d’abord les trois lignes du dessus, puis les trois lignes du dessous.
Sur l’exemple, nous avons l’hexagramme numéro 12, Pi, ou obstruction (je dirais même : blocage) en français. Les trois lignes continue positionnées sur le dessus signifie un blocage au niveau du ciel des éléments venant de la terre. Ainsi, il y a un blocage qui ne profite pas au « véritable gentleman », manière dont le I ching se réfère au consultant. Ainsi, il y a une absence totale de communion entre le ciel et la terre, un blocage qui, s’il n’est pas directement négatif pour le consultant, lui indique qu’il échappera à ses difficultés sans en tirer quoi que ce soit de positif.
En fonction des lignes tirées, la lecture du jugement est affinée par les positions de différentes lignes dans l’hexagramme. On a parfois de mauvaises surprises, avec un hexagramme positif qui devient négatif à cause du déséquilibre créé ! Ce qui nous amène à la suite : comment obtenir son hexagramme pour lire le I Ching.
Consulter le I Ching : la construction de l’hexagramme.
Il existe trois façons d’obtenir un hexagramme pour lire le I Ching. La première dont je parlerais est la méthode la moins traditionnelle mais parfois pratiquée : ouvrir le livre au pif et voir où on tombe. Ma soeur a été particulièrement effrayée car même comme ça, le I Ching s’est avéré exact. De manière générale, il ne m’a jamais trompé.
Les méthodes traditionnelles incluent la lecture en utilisant des batons ou des pièces de monnaie. Malheureusement, je ne maitrise pas la lecture au moyen de batons, ainsi je vous parlerai uniquement de la méthode utilisant les pièces, qui est longue mais simple. Comme tous les outils, la pratique régulière rend son utilisation plus rapide et aisée.
L’hexagramme se compose de six lignes. Pour chaque ligne, il vous faudra tirer la pièce trois fois, comme à pile ou face. Chaque côté de la pièce est associé à un chiffre. Le résultat de l’addition des trois chiffres vous donnera la ligne de votre hexagramme. Pour rappel, sur une pièce française, pile correspond au côté du montant de la pièce et face au dos.
Pile vaut deux points, et Face trois.
Il est possible d’obtenir les lignes suivantes : le « old » (vieux) ou « young » (jeune) vous permettront la lecture plus avancée des positions significatives de certaines lignes dans les hexagrammes. Ainsi :
- 6 équivaut à une ligne interrompue, appelée ligne changeante. Il s’agit d’un vieux Yin (old yin)
- 7 équivaut à une ligne ininterrompue, appelée ligne au repos. Il s’agit d’un jeune Yang (young yang)
- 8 équivaut à une ligne ininterrompue, appelée ligne au repos. Il s’agit d’un jeune Ying (young ying)
- 9 équivaut à une ligne interrompue, appelée ligne changeante. Il s’agit d’un vieux Yang (old Yang)
Une fois l’opération répétée six fois (3×6), retournez le résultat : vous avez votre hexagramme ! Vous pouvez maintenant le chercher dans votre deck oracle ou votre I Ching ou Yi King pour découvrir ce que le livre a à vous dire.
Comme pour le tarot, il existe des outils en ligne capables de simuler un tirage et vous donner un hexagramme à lire. Bien qu’ayant une certaine méfiance vis à vis de ces outils, c’est à vous de voir comment vous gérez vos pratiques, du moment que cela vous convient.
Connaissiez vous le I Ching ? J’espère vous avoir bien introduit à cet ouvrage mythique et donné envie de le découvrir !
J’espère bientôt pouvoir vous écrire sur le I Ching dans l’époque moderne, j’espère vous voir au rendez-vous ! Si vous avez des questions, je suis à votre disposition pour vous répondre et discuter.
À très vite !